Le beau tramway rouge... Se faufiler dans la ville, observer chaque visage, chaque rue, chaque mouvement. Dans ce wagon, je peux ressentir les humeurs du jour, côtoyer les jeunesses parfumées, méditer sur quelques lignes, œuvrer discrètement contre l’oubli de la vieillesse. Je goûte à la tranquillité sans embouteillage, sans accélération exagérée de ma vie habituellement chronométrée. Dans ce wagon de tramway, d’en bas de chez moi, je croise les solitudes souffrantes ou heureuses. Je reste en contact avec chacun.e et avec tout le monde avant de rejoindre un autre chez moi. Mes pensées s’évadent, ricochent sur les murs de Quéliverzan, Recouvrance, Pilier rouge ou Pontanézen. Et bientôt du Bouguen, de Bellevue, de la Cavale Blanche. Tant d’histoires populaires de Brest à travers petites et grandes histoires que je traverse avec d’autres. Seul mais pas tout seul. Bien-sûr, plus loin, ailleurs, la rumeur des rejets carbonés, des monstres de plastique, des souillures du sol muées en algues vertes, des navires aux traînées huileuses. Mais ici, dans mon (d)jet silencieux et public, je croise le regard éphémère et vibrant d’un enfant. Cet enfant et d’autres enfants derrière continueront à se faufiler dans la ville, observer chaque visage, chaque rue, chaque mouvement, traverseront les histoires. Le voyage se prolongera, plus loin, vers Le Conquet, Portsall ou Crozon. Pour trois fois que dalle, ils traîneront leurs baluchons dans ce beau tramway rouge sur lequel ils écriront leurs petits noms.